Le Mick d'Amérique

Des histoires pour les fleurs

Le vent et les arbres s’enlacent suavement. C’est le souffle chaud de l’été qui apaise l’âme des voyageurs. Je profite allégrement du répit que procurent les heures, n’exigeant rien d’autre que de sentir le sang rouler à travers mes veines. J’ai souvenir de mes ébats dans l’imaginaire, de rencontres plus ou moins glorieuses avec mes monstres et mes anges intérieurs. Je m’ennuie sans trop m’ennuyer de mes épopées — s’émanciper dans l’envers du décor demande temps et énergie. 

J’aimerais repartir en mission, mais je ne ressens aucune urgence: le ciel me sied si bien; l’or foin me chatouille l’âme; mes pieds s’enracinent jusqu’au coeur de la terre. Pourquoi troquer le réconfort de la paix contre l’incertitude de la création, les remises en questions du tangible et les retours épuisants de mission? Je sais, je suis un jeune commandant prématurément à la retraite. Même si j’ai l’impression d’avoir fait le tour de tous mes rêves, d’avoir épuisé les réserves créatives, un appel certain me triture l’intérieur — une forme d’intuition qui me commande de reprendre la barre du Vaisseau

Antoine, mon garçon, est assis devant la maison, face au jardin. Il a apporté quelques livres avec lui et récite des histoires aux plants de tomates:

— Qu’est-ce que tu fais mon loup?
— Je parle aux plantes, papa. Tu m’as dit que ça les aide à grandir. Tu te souviens?

Il a raison. Je lui ai en effet raconté ce que j’avais lu quelque part à ce propos lorsque nous préparions le jardin. Il s’arrête un instant et me dit:

— Est-ce que tu savais que les petites graines qui font des fleurs, elles dorment en dessous de la terre tout l’hiver avant de pousser quand la neige fond? C’est fou! Hein?

Je hoche affirmativement de la tête pendant qu’il rapatrie les livres de contes et dit au revoir aux fleurs et aux légumes. 

Et si une fulgurante créativité avait germé tout ce temps à l’intérieur de moi? L’appel à la création est peut-être simplement une fleur qui tente d’éclore par-delà les ténèbres? Je devrais peut-être écouter cette intuition. Ou pas. Je n’en sais trop rien!

En entrant dans la maison, j’entends le «ding!» familier de mon téléphone qui m’indique que j’ai reçu un courriel. Doux Jésus! C’est Charles. Ça fait un bail que je n’ai pas eu de nouvelles de lui.

Hors d'oeuvre

J’ai appétit je dévore la crinoline fleurie au-delà du miroir où les lèvres bonbons embrassent le couperet du boucher qui danse quand les astres farcis sont prétextes aux regards de la chair qui écume un filet du destin dans un corps de chagrin qui accueille l’aurore au détour imprévu de la vie qui s'endort évanouie assoupie sous les phares de la mort

 

Faites vite avant de vous étendre et d’éteindre la lumière

Le terrier

La maison embaume la tarte au sucre préparée par belle Yza. Je l’aperçois se prélasser dans un bain fumant et moussant par une brèche de la porte de salle de bain. Un autre café chaud près du foyer alors que mes yeux se perdent dans le blizzard. Simon saute dans mon dos et me fait un interminable câlin. Il me tend ensuite un cadeau: un dessin fait de sa main et un sac de chocolat juste pour moi.

 

Je descends dans ma tanière rock’n’roll pour extraire un peu de symphonie de ma journée. Même le lapin blanc a besoin d’un terrier. Peu importe où mes pas me mèneront, je sais que j’aurai maison et amour qui m’attendent.

 

La vie ne pourrait être plus belle.

Folie manifeste et voie manifestée

Je finis par joindre le Nomisky via la messagerie pour lui faire part de mon excitation: tard dans la nuit du 28 décembre 2015, j’avais retrouvé la voix, la voie aussi. Cette voix étouffée par de nombreuses années de normalité nécessaire. Cette voie dont j’avais aperçu le pavé à mes 16 ans et que j’ai délaissé. Le 29 décembre 2015, je suis mort et ressuscité, et nous nous devons de fêter l’avènement.

 

C’est l’hiver, enfin. La première vraie bordée de neige est l’excuse parfaite pour écouter White Rabbit à volume démesuré. J’adore taper sur les cymbales avec un bâton de baseball. Le feedback de ma guitare branchée à un ampli au maximum est une harpie qui vocifère un chant de guerre. Rien ne sera jamais plus pareil. Tant mieux!